Il suffit parfois d’un virage pour quitter la Catalogne des plages et des grandes avenues et basculer dans un autre temps. La mer disparaît, les pins se resserrent, les collines se plissent, puis surgissent un clocher trapu, des toits de tuiles rousses, un pont en arc de pierre. Vous venez d’entrer dans la Catalogne médiévale, celle des villages qui se visitent presque en chuchotant.

Une Catalogne de ruelles et de clochers

Une Catalogne de ruelles et de clochers

Une Catalogne de ruelles et de clochers

Ces villages ne se « cochent » pas comme un monument sur une liste. Ils se vivent. Ils demandent qu’on ralentisse, qu’on écoute l’écho des pas sur les pavés, le carillon d’une petite église, le froissement d’un rideau derrière une fenêtre minuscule. Un chat traverse la place, un voisin discute avec le facteur, les voitures disparaissent des centres historiques – et c’est tant mieux. On y vient parfois pour deux photos depuis le parking, mais on y reste pour un café en terrasse, pour voir le soleil quitter les façades et la nuit s’installer doucement sur les toits.

On oublie souvent que la Catalogne ne se résume pas à Barcelone, à la Costa Brava ou encore à Sitges. La vraie surprise se cache dans ces bourgs perchés sur un rocher ou blottis dans une vallée, où les pierres racontent l’histoire à voix basse. Dans cette sélection, j’ai choisi cinq villages médiévaux qui, chacun à sa façon, dessinent un visage différent de la région: Besalú, Peratallada, Pals, Rupit i Pruit et Santa Pau. Certains ont un pont monumental, d’autres un château, d’autres encore un enchevêtrement de ruelles suffisant à vous perdre délicieusement. Tous ont en commun ce moment magique où, à la tombée du jour, quand les excursionnistes repartent, ils retrouvent une intensité presque irréelle.

Les relier n’est pas compliqué, mais dès qu’on quitte les grands axes, les bus se raréfient. Si vous rêvez d’improviser un détour vers un cloître aperçu sur une colline ou de vous arrêter dans un champ d’oliviers au coucher du soleil, la route reste votre meilleure alliée. Une Location de voiture pour vos trajets en Espagne permet de dessiner votre propre itinéraire médiéval, en zigzaguant entre villages de pierre comme on feuillette un vieux livre illustré.

On commence par une arche célèbre, posée au-dessus de l’eau comme une prière de pierre.

1. Besalú: le pont qui garde la mémoire du fleuve

Besalú: le pont qui garde la mémoire du fleuve

Besalú: le pont qui garde la mémoire du fleuve

On arrive à Besalú par une petite route qui serpente entre champs et bosquets. Rien n’annonce vraiment ce qui vous attend, jusqu’au moment où le paysage s’ouvre et où apparaît le pont. Arches en arc brisé, tour de garde au milieu, reflets dans le Fluvià: tout semble mis en scène. Traverser ce pont, c’est déjà entrer dans le village, mais aussi dans le récit de la Catalogne féodale. Sous vos pieds, les pavés ont vu défiler commerçants juifs, soldats, moines, colporteurs. La tour centrale, avec sa porte en ogive, garde encore symboliquement l’accès au cœur du bourg. Parfait pour une visite de la Catalogne avec un budget limité.

Une fois la porte franchie, Besalú se découvre à pas lents. Un réseau de ruelles étroites, de petites places, de maisons de pierre aux balcons débordant de géraniums compose un décor vivant: volets qui claquent, linge qui sèche, conversations en catalan qui s’échappent des fenêtres entrouvertes. Ici, rien d’un musée figé. On passe devant des ateliers d’artisans, on hume l’odeur du café fraîchement moulu, du ragoût qui mijote quelque part, de la cire d’abeille dans une boutique. Le village est aussi marqué par son importante communauté juive médiévale. En descendant quelques marches discrètes, on découvre le mikvé, bain rituel du XIIᵉ siècle. Minuscule, éclairé par une simple ouverture, il a la force d’un secret bien gardé.

  • Montez jusqu’à l’église de Sant Vicenç pour une vue sur les toits, le fleuve et les collines alentours.
  • Perdez-vous volontairement dans les ruelles arrière, là où les touristes se font rares.
  • Revenez au pont au lever ou au coucher du soleil: la lumière transforme les arches en mirage.

Besalú reste spectaculaire sans être tapageur. Même les boutiques de souvenirs murmurent plus qu’elles ne crient. On y reste volontiers plus longtemps que prévu, juste pour entendre, dès l’aube, le premier carillon qui rebondit sur la pierre.

2. Peratallada: un château taillé dans la roche

Peratallada: un château taillé dans la roche

Peratallada: un château taillé dans la roche

Peratallada surgit comme un bloc minéral dans la plaine du Baix Empordà. Avant même d’entrer, on remarque les fossés creusés dans la roche, les murailles, le donjon, les maisons agrippées les unes aux autres comme si elles craignaient toujours un siège. De loin, l’ensemble ressemble à une sculpture de sable durcie par le temps.

Passée la porte fortifiée, on pénètre dans un labyrinthe de ruelles pavées qui montent et descendent en courbes douces. Certaines sont si étroites que deux personnes ont peine à se croiser. Les façades portent arcs, encadrements sculptés, traces de blasons effacés. Au-dessus de nos têtes, un balcon en bois, un pot de basilic, un linge qui flotte comme un discret drapeau domestique. En fin de journée, la pierre prend une teinte miel, les ombres des volets s’allongent, les chats cherchent les derniers carrés de chaleur. Sur la place principale, les terrasses se remplissent, les conversations se mêlent en plusieurs langues, dans un décor médiéval qui reste pourtant bien vivant.

Ce qui frappe à Peratallada, c’est l’harmonie architecturale. Le village a été restauré avec soin, sans tomber dans le décor artificiel. Les herbes qui poussent entre les pavés, les murs un peu noircis par l’humidité, rappellent que la pluie, l’hiver et la tramontane continuent leur travail. Pour s’imprégner du lieu, le mieux est souvent de s’asseoir et de regarder:

  • Les enfants qui courent après un ballon sur les pavés inégaux.
  • Le livreur qui tente de manœuvrer sa camionnette dans une ruelle trop étroite.
  • La serveuse qui salue par leur prénom les habitués attablés sur la place.

On repart de Peratallada avec l’impression d’avoir vu un « village médiéval parfait ». C’est sans doute excessif, mais il est difficile de ne pas jeter un dernier coup d’œil en arrière en passant sous la porte, juste pour vérifier que tout cela existe vraiment.

3. Pals: une tour au-dessus des rizières

Pals: une tour au-dessus des rizières

Pals: une tour au-dessus des rizières

Pals marie deux univers: un village médiéval de carte postale perché sur une colline, et à ses pieds, des rizières d’un vert éclatant au printemps. Oui, du riz en Catalogne. L’Empordà, avec ses plaines inondables, a adopté cette culture depuis longtemps. Résultat: un contraste saisissant entre la pierre ocre en haut et la géométrie verte des champs en bas.

Le cœur médiéval se concentre autour de la Torre de les Hores, haute tour romane qui domine ruelles pavées, arcs et maisons restaurées. Derrière les façades, on trouve aujourd’hui ateliers d’artistes, boutiques et petits restaurants. L’odeur de la paella se mêle souvent à celle du bois brûlé dans une cheminée, même en été: ici, les braises lentes sont une affaire sérieuse. En grimpant les ruelles en colimaçon, on atteint plusieurs belvédères qui s’ouvrent sur la plaine: rizières, mer au loin, silhouettes d’autres villages comme de petites taches ocres. Les jours clairs, chaque clocher, chaque arbre se découpe avec une netteté presque graphique.

Pals a connu la célébrité touristique plus tôt que d’autres, et cela se voit: galeries, menus en quatre langues, produits locaux soigneusement emballés. Pourtant, en s’écartant des axes principaux, on retrouve facilement une atmosphère intime. Un escalier débouche sur une placette déserte, une porte entrouverte laisse échapper un air de guitare, une vieille dame arrose ses plantes tout en commentant la météo avec sa voisine d’en face. La nuit, l’éclairage public discret dessine des halos sur la pierre; les pavés brillent parfois d’une averse récente, et l’on marche presque sur la pointe des pieds pour ne pas troubler le calme.

4. Rupit i Pruit: suspendu au-dessus du vide

Rupit i Pruit n’est pas seulement médiéval, il est spectaculaire. Imaginez un village accroché à une falaise, des maisons de pierre serrées autour d’une église, un pont suspendu en bois qui tangue légèrement, et tout autour des forêts profondes. Ici, l’histoire et la nature se répondent en permanence.

On y arrive par une route sinueuse qui grimpe dans les montagnes d’Osona. Les virages s’enchaînent, les champs laissent place aux bois, puis la silhouette du village se découpe sur le ciel. Avant d’entrer, un parking obligatoire rappelle que le centre doit se parcourir à pied – et c’est tant mieux. La première expérience est souvent le passage sur le pont suspendu: quelques planches, des câbles, une légère oscillation qui réveille une appréhension enfantine. En dessous, la rivière glisse entre rochers et végétation. De l’autre côté, les ruelles dévoilent maisons aux balcons en bois, anneaux de fer pour attacher les chevaux, linteaux datés de plusieurs siècles, blasons gravés. Souvent, on n’entend que le murmure d’une fontaine, un chien au loin, une odeur de feu de bois qui flotte dans l’air frais.

  • Suivez les ruelles jusqu’au bord de la falaise pour apercevoir les falaises de Tavertet.
  • Entrez dans l’église Sant Miquel, modeste mais d’une grande sérénité.
  • Partez jusqu’à la cascade de Sallent, spectaculaire après les pluies.

Rupit i Pruit rappelle que le Moyen Âge, ce n’est pas que la pierre: c’est aussi la manière dont les hommes se sont adaptés à un relief exigeant. Chaque maison semble posée avec prudence au bord du vide, comme si le village entier avait été construit en retenant son souffle.

5. Santa Pau: un amphithéâtre de pierre au cœur des volcans

Santa Pau: un amphithéâtre de pierre au cœur des volcans

Santa Pau: un amphithéâtre de pierre au cœur des volcans

À Santa Pau, le Moyen Âge s’est installé dans un paysage volcanique apaisé. Les anciens cônes, aujourd’hui recouverts de forêts, entourent le village comme les gradins d’un amphithéâtre naturel. Les matins de brume, le décor semble hésiter à se dévoiler.

Le cœur du village est sa grande place portiquée: un rectangle irrégulier entouré de maisons de pierre aux arcades basses, avec, d’un côté, le château comtal. Le sol en pente douce donne l’impression que tout glisse vers le centre. On y imagine aisément un marché médiéval bruissant de bêtes, de ballots d’étoffes, de cris de marchands. Aujourd’hui, ce sont les terrasses et les randonneurs du parc naturel de la Zone Volcanique de la Garrotxa qui occupent l’espace, mais la forme du lieu trahit encore sa fonction d’autrefois.

Une autre façon de visiter la Catalogne

Pour aller plus loin, il existe des visites guidées menées par des passionnés qui connaissent chaque anecdote, chaque détail discret, du linteau sculpté oublié à l’ancienne mesure à grain cachée dans un mur. Si l’idée de vous plonger davantage dans cette Catalogne d’histoires et de légendes vous séduit, jetez un œil aux Excursions en Espagne avec un guide francophone: une manière d’entrer dans ces villages accompagné de quelqu’un qui sait, par exemple, à quelle heure précise la lumière vient caresser telle pierre, et dans quelle ruelle l’écho porte le mieux le son d’une cloche.