Il y a des films qui vous donnent envie d’appeler quelqu’un. D’autres, plus rares, vous donnent envie de prendre la route. “Call Me by Your Name” appartient à cette seconde catégorie – et c’est peut-être ce qui le rend si obsédant. On ne veut pas seulement revoir Elio et Oliver, on veut marcher dans leur été, entendre les graviers sous les sandales, sentir une odeur de feuilles chauffées, retrouver la lenteur exacte d’un après-midi où rien n’est urgent.

Le plus troublant, c’est que cette Italie-là n’a rien d’une carte postale saturée. Elle est douce, un peu poussiéreuse, parfois silencieuse au point de faire du bruit. Les lieux de tournage sont dispersés, proches les uns des autres sans être “pratiques”. Et tant mieux. Le film parle de détours, de ce qui arrive quand on ne va pas tout droit.

Alors, où a-t-on vraiment tourné “Call Me by Your Name” ? Suivez-moi entre Crema et les campagnes de Lombardie, jusqu’aux reflets d’un lac inattendu, puis vers le lac de Garde et, enfin, Bergame – la ville vers laquelle Oliver s’éloigne.

Crema – la grâce tranquille, à hauteur de vélo

Crema - la grâce tranquille, à hauteur de vélo

Crema – la grâce tranquille, à hauteur de vélo

Quand on arrive à Crema on croit d’abord n’avoir “rien à voir”. Pas de monument qui vous saute au visage, pas de foule qui dicte la photo. Et puis la ville commence à agir, lentement. Les façades ocre, les ruelles qui tournent sans prévenir, les arcades où l’ombre reste fraîche – tout cela ressemble à un décor, oui, mais un décor habité.

Le cœur battant, c’est la Piazza del Duomo : une place large, presque théâtrale, où l’on se surprend à lever la tête comme si quelqu’un allait apparaître au balcon. La cathédrale (le Duomo) y pose sa présence avec une assurance calme. Venez tôt, avant les conversations. La pierre prend une couleur de miel et, si vous vous asseyez quelques minutes, vous comprendrez pourquoi le film a besoin de ces espaces-là – des endroits qui laissent respirer les sentiments.

Crema n’est pas seulement “un spot”. C’est une façon de se déplacer. Le film la parcourt à vélo, sans conquête, sans performance. Faites pareil. Laissez votre itinéraire se froisser.

Pour capter l’humeur du film, sans jouer au figurant

  • Traversez la Piazza del Duomo deux fois: une fois au soleil, une fois à l’ombre. Ce n’est pas le même lieu, et c’est tout le sujet.
  • Entrez dans une librairie ou une papeterie, juste pour l’odeur du papier. Vous verrez, ça déclenche des souvenirs que vous n’aviez pas demandés.
  • Buvez un café debout, vite, comme si vous aviez un rendez-vous, puis marchez très lentement. Contradiction parfaite.
  • Regardez les vélos plus que les gens. Ils racontent la ville mieux que n’importe quel guide.
  • Trouvez un hôtel gay friendly en Italie avant votre départ.

Et si vous vous demandez “mais la scène précise, l’angle exact ?”, respirez. Crema n’est pas un musée du film. C’est un endroit où l’on retombe amoureux de la lumière, et où l’on accepte de ne pas tout contrôler.

Moscazzano – Villa Albergoni, ou l’élégance qui ne se montre pas

Moscazzano - Villa Albergoni, ou l’élégance qui ne se montre pas

Moscazzano – Villa Albergoni, ou l’élégance qui ne se montre pas

À quelques kilomètres, le paysage se déroule en champs, en alignements d’arbres, en routes secondaires. Moscazzano arrive presque sans prévenir. C’est ici que se trouve la fameuse Villa Albergoni, utilisée comme la villa des Perlman. On imagine une demeure bavarde, pleine de secrets, mais la réalité est plus subtile: la villa paraît garder ses distances. Elle appartient à une propriété privée, et c’est très bien ainsi – le film aussi repose sur ce qui échappe.

On l’aperçoit depuis l’extérieur, derrière ses lignes nobles, ses fenêtres régulières, son parc qui semble absorber les bruits. Le charme de l’endroit tient à sa retenue. Rien ne crie “cinéma”, et pourtant on reconnaît l’atmosphère immédiatement: cet équilibre entre culture et nature, entre conversations savantes et journées qui se diluent.

Ensuite, descendez vers la Piazza Gambazocchi. Là, le film friendly se rapproche du quotidien, des petites habitudes qui tiennent une vie. Dans la Piazza Gambazocchi, le temps, semble vouloir s’arrêter, surtout si vous poussez la porte du Bar Belvedere. Un comptoir, quelques tables, une fraîcheur simple – et cette sensation que les scènes les plus importantes se jouent parfois autour d’un verre d’eau, pas dans un grand moment dramatique.

Vous êtes assis, vous écoutez les voix, et vous vous demandez: est-ce que c’est ça, la nostalgie, au fond ? Un endroit ordinaire qui devient soudain personnel.

Un road-trip discret, mais irrésistible (et le bon choix de voiture)

Ces lieux se vivent mieux quand on accepte l’entre-deux: le trajet, les champs, les arrêts non prévus. Pour cela, une voiture change tout. Et pas n’importe laquelle – l’idéal, c’est un petit cabriolet qui rend la campagne plus proche, plus sonore, plus réelle. On peut louer à prix doux un mini-cabriolet type Mini Cooper via Bookingcar, et se faire un itinéraire qui ressemble à une fugue romantique, sans en avoir l’air.

Une boucle simple, à adapter selon votre humeur

  • Matin: Crema, flânerie autour de la Piazza del Duomo , et départ à vélo ou à pied dans les rues calmes.
  • Midi: Moscazzano, passage devant Villa Albergoni, puis pause à la Piazza Gambazocchi au Bar Belvedere.
  • Après-midi: détour par Ricengo et marche jusqu’au Laghetto dei Riflessi.
  • Soir ou autre jour: cap sur Sirmione (lac de Garde) et les Grottoes of Catullus, quand la lumière devient plus tendre.

Le secret, c’est de ne pas trop serrer le timing. Laissez une place au hasard – et à ce silence particulier des routes lombardes.

Laghetto dei Riflessi – l’eau immobile, et ce qu’elle vous renvoie

Vous pensiez avoir tout compris au “romantisme italien” ? Attendez de voir un lac qui n’a pas l’air de vouloir être photographié. Le Laghetto dei Riflessi est un ancien lac de carrière, posé comme une parenthèse, dans la réserve naturelle Palata Menasciutto, près de Ricengo. On y arrive par des chemins qui ressemblent à une confidence. Le paysage se fait plus sauvage, plus bas, plus vert.

Là, l’eau est souvent calme, presque trop. Elle réfléchit le ciel avec une précision insolente, comme si elle avait décidé de tout retenir. On comprend pourquoi une équipe de cinéma est venue chercher ce genre de lieu: il ne “déclare” rien, il laisse monter les émotions. Et vous, vous faites quoi devant un miroir pareil ? Vous regardez longtemps, vous vous taisez, vous réapprenez à ne pas remplir les vides.

Restez respectueux: c’est une zone naturelle, pas un décor à consommer. Un petit sac pour vos déchets, des chaussures correctes, et cette attention simple aux autres visiteurs. Le film, ici, devient presque secondaire. Ce qui compte c’est le frisson doux d’être ailleurs, et d’avoir le temps.

Sirmione (lac de Garde) – les pierres romaines et l’eau bleu acier

Sirmione (lac de Garde) - les pierres romaines et l’eau bleu acier

Sirmione (lac de Garde) – les pierres romaines et l’eau bleu acier

Changer de décor, c’est aussi changer de température intérieure. Le lac de Garde a cette capacité: il élargit la respiration. À Sirmione, la péninsule s’avance dans l’eau comme une phrase qui n’en finit pas. On arrive, on marche, on se perd un peu entre ruelles et vues qui s’ouvrent d’un coup.

Et puis il y a les Grottoes of Catullus – les ruines romaines tout au bout, face au lac. Le lieu a quelque chose de paradoxal: ce sont des pierres, des restes, des fragments, mais l’ensemble donne une impression de plénitude. Le vent passe dans les arches imaginaires, le soleil accroche les murs cassés, et l’eau en contrebas fait ce bruit régulier qui rend les pensées plus lentes.

Dans le film, l’escapade au lac est une respiration et un vertige. Sur place, vous ressentez exactement ça: une légèreté, puis une pointe d’inquiétude, parce que tout ce qui est beau finit par se transformer. Vous voyez ces couples assis au bord, ces familles, ces solitaires qui lisent ? Personne ne joue un rôle, et pourtant chacun raconte une histoire.

Si vous restez jusqu’à la fin de l’après-midi, la lumière change et Sirmione devient plus douce, moins “jolie”. Plus vraie. Le lac prend une teinte bleu-gris, et vous comprenez qu’un décor peut être romantique sans être sucré.

Bergamo – la ville où Oliver part, et où le monde reprend

Bergamo - la ville où Oliver part, et où le monde reprend

Bergamo – la ville où Oliver part, et où le monde reprend

Dans “Call Me by Your Name”, il y a un moment où l’été commence à se refermer – pas d’un coup, mais avec cette logique cruelle des saisons. Oliver part “pour Bergamo”. Le nom suffit à créer une distance. Bergame, ce n’est plus la campagne étale, c’est la ville qui organise, qui cadre, qui remet des horaires.

Arriver à Bergame après les villages, c’est sentir une autre énergie. La gare, les rues plus actives, les pas plus rapides. Et puis, si vous montez vers la Città Alta (la ville haute), l’atmosphère se transforme encore: murs, escaliers, pierres anciennes, places qui résonnent. Là-haut, la Piazza Vecchia semble tenir le ciel par les coins. On s’assoit, on regarde, on entend des langues différentes. C’est beau, mais c’est un autre beau – moins intime.

Ce qui est fascinant, c’est que Bergame n’essaie pas d’imiter la douceur de Crema. Elle est plus verticale, plus décidée. Et c’est précisément ce contraste qui fait mal dans le film: on sait que les sentiments ne disparaissent pas, ils changent de forme, ils se déplacent. Comme un train qui s’éloigne, sans bruit héroïque, juste avec cette certitude froide d’aller quelque part.

Si vous marchez le soir le long des remparts, la plaine s’étend en dessous, immense. On se surprend à chercher du regard la direction de Crema, ou celle du lac, comme si le corps voulait vérifier que tout cela existe encore , même après le départ.